Quand tu ne peux pas organiser largement, organise vite

C’était assez rapide. Ce qui s’est passé, c’est qu’un autre travailleur a dû démissionner parce que son travail était trop stressant, le poste qu’il occupait demandait de rédiger des rapports et d’avoir des rendements exigeants, ce qui lui déclenchait de l’anxiété. L’atelier avait besoin d’une aide supplémentaire, et ce travailleur avait besoin d’heures de travail. Le responsable et son comité ont donc fait pression sur le patron pour qu’il réengage le travailleur, mais aussi pour qu’il modifie son rôle de manière à ce qu’il n’implique plus aucune des choses qui déclenchaient l’anxiété. Au lieu d’essayer de suivre un large éventail de contacts et de cartographier les relations dans plusieurs magasins du district, ils ont opté pour une agitation et une action directe rapides et significatives. Pas mal pour quelques heures de travail.

Qu’en est-il de la campagne elle-même ? Il ne s’agissait pas d’un travail à long terme pour l’organisateur de départ, ni pour aucun de ses collègues, mais en quelques mois, l’agitation s’est poursuivie et les travailleur·euses ont mis sur pied un certain nombre d’actions directes. Des questions telles que les horaires, les heures de travail et les problèmes divers auxquels sont confronté·es les travailleur·euses du commerce de détail ont été autant de sources d’agitation. Comme trop de directeurs de magasin, le leur était souvent d’avis que « si vous avez le temps de roupiller, vous avez le temps de nettoyer », il n’y avait donc pas de chaises dans le magasin. Personne ne pouvait s’asseoir et se reposer, jamais. Dans un moment de défi au conditionnement du lieu de travail, ielles ont apporté des chaises et ont toutes et tous pris leurs pauses, lorsque c’était nécessaire, dans l’atelier, sous le regard des caméras du magasin et de leur transmission en direct au chef de district.

Mais qu’est-ce que cette campagne courte et rapide a réellement accompli ? Tout d’abord, elle a permis à ces travailleur·euses individuels de ressentir leur propre pouvoir et de retrouver une partie de leur dignité. Dans ce type de lutte quotidienne avec les capitalistes, les travailleur·euses ont un aperçu de ce que signifie s’agiter et agir en tant que classe. L’employé principal nous a dit par la suite que « dans une bonne campagne d’organisation, les gens apprennent à relever la tête. Iels commencent à prendre conscience de leur valeur et cessent de supplier, commencent à exiger ».

Je ne pense pas que la lutte pour s’asseoir pendant les pauses au magasin n°1312 de cette chaîne de magasins deviendra un sujet de légende dans l’histoire des Wobblies, mais pour ces travailleur·euses, c’était une expérience réelle du pouvoir qu’un peu d’organisation peut apporter et un avant-goût de ce que cela signifie quand « nous formons la structure de la nouvelle société dans la coquille de l’ancienne ».

Traduit de l’anglais par IWW Bruxelles
Article original sur le site de la branche IWW du Nord Est de l’Ohio.